Occitanie
Aude
I. Territoire et enjeux territoriaux :
L’Aude est un département historiquement rural et agricole caractérisé sa mosaïque de milieux, comprenant plaines, montagnes, côteaux et littoral.
Panorama agricole :
L’agriculture du territoire représente le premier pilier économique de l’Aude. Elle est structurée autour de quatre grands domaines de production : la viticulture (30 % de la SAU), les grandes cultures (31% de la SAU), l’élevage (32 % de la SAU) et un ensemble constitué de l’arboriculture, du maraîchage et des plantes à parfum, aromatiques et médicinales (PPAM) (5% de la SAU). Cela représente 6100 exploitations agricoles.
La viticulture subit des crises climatiques et économique depuis plusieurs années et entraine le développement de friches agricoles. Les grandes cultures et les activités de maraîchages subissent également de forts aléas climatiques et souffrent d’une raréfaction de l’eau. La pression foncière immobilière est aussi un facteur de déprise comptant 2 000 hectares d’espaces agricoles, naturels et forestiers consommés ces dix dernières années. Cette déprise est marquée par un recul de 13 % du nombre d’exploitants et un recul de près de 4% de la surface agricole utile (SAU) entre 2010 et 2020. Par ailleurs, la filière agricole affiche un besoin en renouvellement des générations caractérisé par une population agricole majoritairement âgée de plus de 55 ans et d’un taux de remplacement de seulement 66%.
Néanmoins, il existe une forte dynamique de diversification grâce à des porteurs de projet mettant l’accent sur les productions de qualité valorisées en circuit de proximité. 61% des exploitations audoises produisent sous signe d’identification de la qualité et de l’origine (SIQO). Le département de l’Aude détient la 5ème position nationale en superficie certifiée en Agriculture Biologique (30% de la SAU départementale), comptant plus de 1400 exploitations certifiées soit 23 % des exploitations audoises. La filière bio est fragilisée aujourd’hui par une baisse de la consommation et une dévalorisation des cours. En parallèle la demande locale de denrées certifiées bio augmente en restauration collective suite au renforcement de la Loi Egalim.
Aux côtés de l’agriculture, les activités de pêche professionnelle et conchylicoles (culture de coquillages, huîtres, moules...) sont présentes historiquement sur le littoral audois. Toutefois, depuis quelques années, la réduction des capacités d’exploitation et de commercialisation entraîne des pertes d’emplois et l’affaiblissement de ces filières. Le secteur présente cependant des atouts à valoriser, notamment, les stratégies d’adaptation des professionnels, un bassin de chalandise de proximité et la criée de Port-La-Nouvelle.
Alimentation :
En 2020, 22% des producteurs audois pratiquaient les circuits courts, soit 2 fois plus qu’en 2010. Le diagnostic préalable au PAT révèle que 96% des audois consomment des produits locaux au moins une fois par mois et 69% une fois par jour. Plus de 8 audois sur 10 privilégient les produits labellisés pour leur origine ou leur qualité. 98% des audois s’orientent vers les fruits et légumes dans leur comportement de consommation de produits locaux. Les audois interrogés et pratiquant les circuits courts affirment que leur comportement de consommation est issu de leur éducation familiale. Ainsi, afin de développer ces comportements chez les plus jeunes, des actions de sensibilisation à destination des enfants et du grand public sont nécessaires. De nombreuses collectivités se sont saisies de thématique. Ces actions ont besoin d’être maintenues et renforcées sur tout le territoire.
De nouvelles formes de vente de produits locaux se sont structurées permettant d’offrir aux consommateurs un accès plus facile aux produits audois : vente directe à la ferme, caveaux vignerons, initiatives collectives de consommateurs (AMAP, groupement d’achat) et de producteurs (drive fermier), distributeurs automatiques, boutiques de producteurs. Un recensement non exhaustif de la Chambre d’agriculture compte près de 300 points de ventes de produits locaux dont 106 marchés de plein vent. Ces démarches sont développées majoritairement sur l’axe principal Castelnaudary, Carcassonne, Narbonne en lien avec la population locale et également sur le littoral en lien avec la fréquentation touristique. Les produits locaux sont donc accessibles aux consommateurs via ces nouvelles formes de vente dédiées, ou s’insèrent, avec plus ou moins de facilité, dans les circuits de distribution traditionnels. Cette dynamique a créé un fort besoin d’accompagnement de la filière, de structuration d'outils et d'acteurs de la transformation et de logistique pour répondre aux besoins de la restauration collective et des commerces spécialisés, de proximité mais aussi de la GMS qui développe peu à peu des alliances locales. Le Département compte 468 commerces alimentaires diversifiés (grandes et moyennes surfaces) et 984 commerces alimentaires spécialisés.
Bien que théorique et perfectible, l’analyse de la balance alimentaire audoise démontrent que le département pourrait être autonome sur certaines productions (pommes, pêches, blé dur, légumes secs, vins) et est dans tous les cas déficitaire sur d’autres (tomates, pommes de terre, riz, viande bovine et porcine). Cette balance alimentaire permet de donner des ordres de grandeur. Cependant, la réalité est bien plus complexe car les exportations de massives et les transferts en filières spécialisés ne sont pas comptabilisés.
Restauration collective :
La Chambre d’agriculture l’Aude a recensé en 2021 plus de 120 sites de préparation de repas pour la restauration collective soit une production estimée à 1,2 millions de repas. Cela regroupe des cuisines centrales (6) destinées à approvisionner plusieurs sites de restauration, des restaurants équipés de cuisine (114) où les repas sont consommés sur place et des sites de préparation mixtes (6) qui assurent à fois des liaisons avec des établissements dépourvus de cuisines et consommation sur place.
Source : Chambre d’agriculture de l’Aude : Fiches alimentation – Diagnostic Projet Alimentaire territorial du Département de l’Aude 2022
Concernant les établissements scolaires, les modes de gestions diffèrent selon le type d’établissement. Les écoles primaires, sous la responsabilité des communes et des EPCI privilégient majoritairement la gestion concédée, pour des raisons pratiques et économiques en milieu rural et semi-rural. Les retours des collectivités concernant la qualité des repas proposés par les prestataires sont globalement mauvais. Certaines collectivités aspirent aujourd’hui à améliorer la qualité des repas et expriment un besoin d’accompagnement à tous les niveaux. Les cantines des collèges (22 cuisines) et des lycées gérés respectivement par le Département et la Région fonctionnent majoritairement en gestion concédée. La qualité des repas proposés s’est grandement améliorée depuis ces 10 dernières années grâce à une forte dynamique de sensibilisation opérée par les collectivités, la Chambre d’agriculture de l’Aude, le Biocivam et la Maison Paysanne. Certains outils comme AGRILOCAL et OCCITALIM ont permis de développer les approvisionnements. Cependant, les chefs affirment rencontrer des problématiques d’approvisionnement dû au manque de structuration logistique et commerciale, des productions locales en quantités limitées et aléatoires. S’ajoute à ces freins des contraintes budgétaires, dans un contexte d’inflation, limitant le pouvoir d’achat des cuisines avec un coût denrée moyen estimé entre 2 € et 2,5 € par repas. Concernant le gaspillage alimentaire, de nombreux établissements déclare avoir réalisé des progrès mais certains leviers restent encore à actionner. Globalement, la restauration collective du territoire se trouve dans une situation de besoin d’accompagnement à tous les niveaux pour tendre au respect de la loi EGALIM.
Socio-démographie :
La population audoise, bien que vieillissante, est en croissance depuis la fin des années 1970 et atteint 377 773 habitants en 2022. La dynamique démographique globale cache d’importantes disparités tant démographiques que socio-économiques avec une forte attractivité de l’agglomération de Narbonne et son littoral, Carcassonne, Castelnaudary, Lézignan et Limoux tandis que les secteurs ruraux de la Haute Vallée de l’Aude, de la Montagne Noire et des Corbières perdent des habitants. Ces derniers lieux de vie sont également caractérisés par un manque d’accès aux services publics, aux commerces alimentaires, un faible tissu économique et un appauvrissement de la population.
Carte volumes démographiques de l'Aude (Source Insee);
L’Aude est un département où le taux de chômage reste l’un des plus élevés de la région Occitanie (3ème position sur 13 départements). C’est le département le plus touché par la pauvreté en Occitanie, cette situation concerne notamment un tiers des moins de 30 ans. 37 points de distribution de l’aide alimentaire sont présents sur le territoire. Les jeunes de moins de 25 ans, les personnes retraitées et les travailleurs précaires représentent la majorité 8000 bénéficiaires des associations d’aide alimentaire. Le département audois est donc ainsi caractérisé par un fort taux de précarité alimentaire et un fort besoin de donner accès à tous à une alimentation saine durable et locale.
Tourisme :
Comptant 9500 emplois et 1,2 milliards d'euros dépensés sur le territoire en 2022, le tourisme est un moteur économique majeur pour l'Aude, ayant également un impact significatif sur le plan social et environnemental*. La diversité des paysages, les espaces naturels uniques, les châteaux et abbayes, comme les sites classés que sont la Cité de Carcassonne et le Canal du Midi participent, avec l’agriculture et la viticulture, au rayonnement de l’Aude et de son identité.
Le tourisme permet une diversification de l'économie aux côtés de l'agriculture et favorise le maintien de la population en zone rurale. Le département compte près de 145 000 lits touristiques pour une population touristiques permanente estimée à 52 000 personnes. L’activité touristique présente un fort potentiel de développement des filières agricoles en circuits-courts. 280 exploitations agricoles proposent des services d’hébergements ou d’activités touristiques. La stratégie touristique à impact positif « L’Aude l’âme sud » œuvre en partenariat avec les acteurs publics locaux, pour la valorisation des filières de qualité et des savoir-faire agricoles et oenotouristiques via des actions concrètes d’accompagnement aux labélisations de qualité et de promotion des marques et labels existants à l’instar des marques Pays Cathare, Vignobles & Découvertes, Valeur Parc, Bienvenue à la ferme.
*Source : Stratégie départementale touristique – Département de l’Aude – Agence de développement touristique de l’Aude
Agroenvironnement et climat :
L’Aude présente une biodiversité remarquable. Le territoire se classe au troisième rang national en termes de biodiversité végétale et au premier rang en termes d’oiseaux nicheurs. 39% du territoire est classé zone Natura 2000. La mosaïque agricole et ses zones humides participent grandement à la richesse de cette biodiversité notamment par ses espaces pastoraux mais aussi viticoles et de polycultures. Il existe de nombreuses interactions positives et négatives entre l’agriculture et la biodiversité. Des traces de pollutions ponctuelles et diffuses d’origines agricoles et minières ont été identifiées dans les nappes phréatiques. Cependant de nombreux leviers ont été actionnés pour œuvrer à l’amélioration des externalités agricoles négatives, notamment par le développement des pratiques agroécologiques (1400 exploitations certifiées AB et 2103 exploitations certifiés HVE), l’accompagnement aux certifications environnementales, la protection des captages classés prioritaires, le respect des objectifs nationaux de réduction de 50 % des substances les plus dangereuses d'ici 2030 (PLAN ECOPHYTO 2+).
Entre influence océanique faiblissante à l’ouest et forte influence méditerranéenne à l’est du département, le climat audois est en pleine mutation. Le territoire subit augmentation de la température moyenne annuelle estimée à un degré d’ici 2050, avec une répartition inégale des précipitations qui se caractérise par des automnes pluvieux et des printemps et étés arides. L’est du département est le plus touché avec en prévision une forte augmentation du nombre de jours très chauds. Cela entraine également une hausse de l’évapotranspiration des sols et des végétaux, contribuant à une augmentation des phénomènes climatiques extrêmes (précipitations denses et extrêmes). Les répercussions négatives sur les filières agricoles sont très nombreuses et entrainent notamment : une perturbation aléatoire de la quantité et de la qualité des récoltes, une modification du cycle des cultures, des risques de brûlures et d’échaudages, une augmentation des prédateurs, la salinisation des sols, une période de dormance réduite, un risque de perte de la typicité des territoires audois et enfin la raréfaction de la ressource en eau. Le principal levier d’adaptation entrant dans le domaine des PAT est l’accompagnement à la diversification des cultures vers des pratiques agricoles agroécologiques, économes en eau et préservant la qualité des sols.
Les Projets Alimentaires Territoriaux audois :
Dans l'Aude se trouve 4 PAT "locaux" : PAT de Carcassonne Agglo, PAT de la Communauté de Communes de Castelnaudary Lauragais Audois, PAT de la Haute Vallée de l'Aude, PAT du Grand Narbonne et le PAT Départemental. Dans une volonté d'échanges, de bonne entente et de cohésion territoriale, ces 5 PAT ont créé de manière concertée "l'Inter-PAT Audois". Cet Inter-PAT se compose de tous les PAT audois ainsi que de 3 structures locales phares qui sont porteuses d’actions dans tous les PAT à savoir le Biocivam de l'Aude, la Chambre d'Agriculture de l'Aude et la Maison Paysanne de l'Aude. Dans ce réseau, tous les PAT ont la même voie et il n'y a pas de leader. Le PAT départemental appui les PAT "locaux", œuvre également dans les zones "blanches" (dépourvues de PAT) et se positionne comme fédérateur auprès des autres PAT.
L’Inter-PAT est coordonné à la fois politiquement et techniquement. Tous les ans, des réunions politiques ont lieu pour échanger entre les différentes visions et projets de territoire de chaque PAT et si besoin pour prendre des décisions sur des projets communs. Les techniciens des structures porteuses et accompagnatrices se réunissent fréquemment et échangent sur les différents sujets d'actualités et la mise en commun de moyens. La création de ce réseau a été imaginé lors de 2 journées de cohésion technique qui ont eu lieu en 2022. Cela a permis de mettre en place une formalisation administrative commune, de créer une page internet Inter-PAT, d'écrire collectivement un guide de l'alimentation audoise. Enfin, l’organisation de 5 demi-journées de concertations collectives ont par la suite alimenté les plans d'actions respectifs des PAT audois.
En conclusion, l’Inter-PAT audois est la concrétisation formelle d'un réseau de coopération étroit existant depuis plusieurs années et faisant preuve d’une intelligence collective agissant pour un développement durable du département.
Un département pilote :
Dès 1992, le Département de l’Aude a initié un travail de promotion de produits locaux en créant la Marque Pays Cathare afin de soutenir et structurer collectivement les filières locales. En outre, la collectivité répond également aux besoins du territoire par le soutien financier et technique aux organisations professionnelles et associatives agricoles du territoire. La dynamique « Manger Audois » est aussi engagée depuis plus de 10 ans afin de promouvoir une consommation plus locale. En 2016, le Département a adhéré à l’association nationale AGRILOCAL mettant en relation les chefs cuisiniers, gestionnaires des restaurations collectives et les agriculteurs, producteurs, entreprises locales et artisans. En 2022, le Département déploie le premier plan d’action de son Projet Alimentaire Territorial en partenariat direct avec 11 partenaires de l’écosystème alimentaire audois.
Le Département s’est également doté d’une stratégie agricole et pêche à horizon 2030 afin d’aider les professionnels à s’adapter aux enjeux climatiques en cours, tout en conservant une économie de proximité économiquement viable, non délocalisable et qui réponde aux besoins des audois en matière de sécurité alimentaire. Cette stratégie agricole et pêche, déployée en 2024, constitue le cadre de référence pour l’action du Département en matière d’accompagnement et de soutien aux activités de l’agriculture et de la pêche pour les prochaines années. Cette dernière fut coconstruite avec les acteurs locaux du territoire et prévoit la pérennisation des actions du Projet Alimentaire Territorial.