Retour sur la plénière du réseau PAT Normandie à Bayeux – Quelle est la place des enjeux environnementaux dans les PAT ?
La région Normandie poursuit sa dynamique de transition alimentaire territoriale avec une plénière du réseau PAT qui s’est tenue le mardi 17 juin 2025 à Bayeux autour de la thématique de l’intégration des PAT dans la transition environnementale. Cette journée de rencontres et d’échanges a rassemblé les acteurs normands de l’alimentation durable (collectivités, chambre d’agriculture, associations, Agence de l’eau…) autour d’un constat encourageant : 77% des communes normandes font désormais partie du périmètre d’un projet alimentaire territorial.

Le PAT Ter’Bessin, territoire d’accueil de la plénière, illustre parfaitement cette approche collaborative. Ce syndicat mixte réunit 3 EPCI et fonctionne selon un modèle original : seul un tiers des actions du PAT sont portées à l’échelle du syndicat mixte, laissant une marge de manœuvre aux différents EPCI dans leur stratégie agricole et alimentaire. Labellisé niveau 1 en 2023 et lauréat de l’appel à projet PNA en 2024, le PAT Ter’Bessin développe des actions innovantes comme le fish-truck itinérant et l’application mobile Ter’Butine pour favoriser les circuits courts.
L’intervention d’Aurélie Catallo, directrice agriculture France pour l’IDDRI, a apporté un éclairage scientifique sur les défis de la transition. Le système alimentaire français, basé sur le triptyque spécialisation/concentration/intensification, montre ses limites face aux défis contemporains. La diminution du nombre d’agriculteurs, la perte de 4 millions d’hectares de prairies permanentes depuis 1960, et la fermeture de 32,3% des captages d’eau depuis 1980 illustrent l’urgence d’une transformation systémique.
La transition agro-écologique repose désormais sur un nouveau triptyque : diversification/circularité/autonomie. Cette approche nécessite une évolution simultanée des fermes et des industries agro-alimentaires, ainsi qu’un changement des habitudes alimentaires. En Europe, la consommation de protéines correspond au double des recommandations de l’OMS, générant une forte tension sur les secteurs de production animale.

Louise Galipaud était également présente pour évoquer le programme TETRAA, mené par la fondation Daniel et Nina Carasso auprès de 9 territoires français, illustrant cette montée en puissance des initiatives locales. L’exemple du Pays Terres de Lorraine, avec ses objectifs chiffrés (45% en agriculture biologique d’ici 2030 contre 14% actuellement), montre la voie d’une transition ambitieuse et mesurable.

Après un déjeuner convivial ayant permis à tous les participants d’échanger, la première partie de l’après-midi était consacrée à la présentation de posters d’initiatives allant dans le sens de la transition agro-écologique sur le territoire normand. Les acteurs à l’origine de ces projets étaient tous présents pour échanger et répondre aux questions. Afin de s’assurer que tous les posters soient vu et que les participants aient toutes les initiatives en tête, un système de roulement toutes les 5 minutes afin de passer d’un poster à un autre en ayant retenu les informations principales sur chaque projet. Un QR code mis à disposition par les organisateurs de la journée a permis d’établir un vote du poster préféré des participants, venant mettre en valeur les initiatives présentées.
La table ronde sur l’intégration des enjeux environnementaux dans les PAT a mis en lumière l’importance de l’articulation entre politiques publiques. Elle rassemblait Jérémy Delamare (DRAAF Normandie), Ludovic Genet (Agence de l’eau Seine-Normandie), Laura Grassin (ADEME) et l’ARS Normandie.
Plusieurs actualités et idées clés en sont ressorties :
- La feuille de route COP Normandie 2025 est en cours de mise en œuvre, notamment via le groupe « Mieux se nourrir ». Elle sert de cadre de référence à articuler avec les Projets Alimentaires Territoriaux (PAT) pour renforcer la transition écologique régionale.
- L’ADEME présente quatre scénarios de transition écologique, à considérer dans leur globalité. Son rôle est d’accompagner les PAT pour qu’ils s’inscrivent dans ces trajectoires.
- Le système alimentaire normand fait face à quatre enjeux majeurs : une répartition inégale de la valeur, une forte spécialisation agroalimentaire, la prédominance des grandes cultures pour l’export, et l’avenir incertain de la filière laitière.
- L’Agence de l’eau, via son 12e programme (2025-2030), souhaite intensifier son soutien aux acteurs agricoles locaux pour protéger la quantité et la qualité de l’eau.
- L’ARS promeut l’approche « Une santé » dans son Plan Régional Santé Environnement 4, soulignant l’interdépendance entre santé humaine, animale et environnementale, et la nécessité d’une transition écologique décloisonnée.
La journée s’est terminée avec l’analyse de Lucile Rogissart (I4CE) sur les financements publics du système alimentaire, analyse qui révèle des marges de manœuvre importantes. Sur les 53,6 milliards d’euros prévisionnels dédiés au système alimentaire français en 2024, moins de 10% sont explicitement favorables à la transition écologique. Les collectivités territoriales représentent 10,5% de cette enveloppe, démontrant leur rôle non négligeable aux côtés de la PAC (8,9%).
Cette plénière normande témoigne de la maturité croissante des projets alimentaires territoriaux et de leur capacité à devenir de véritables leviers de transformation des systèmes alimentaires locaux.
Voir les actualités sur le site du réseau PAT Normandie