Fiche 3-2 : Comment (et peut-on) favoriser l’approvisionnement local de la restauration collective publique en utilisant la commande publique ?
Dispositifs juridiques
Les collectivités territoriales (CT) sont au premier rang pour promouvoir les produits locaux dans les restaurants collectifs dont elles ont la charge.
A cette fin, elles vont généralement devoir passer par les règles de la commande publique.
Elles doivent donc en respecter les règles et principes, notamment l’égal accès à la commande publique et la non-discrimination (voir notamment Art. L.3 CCP).
Par conséquent, un marché public fondé uniquement sur le caractère local d’un produit alimentaire n’est pas compatible avec les règles de la commande publique à ce jour.
- A souligner : l’achat de denrées alimentaires par une CT relève d’un marché de fourniture de denrées alimentaires. Pour éviter les risques juridiques liés à cette démarche, certains tentent de passer des marchés de prestations environnementales pour donner la priorité à des produits locaux, par ex. pour la protection de l’eau d’un bassin versant donné (https://terresdesources.fr/).
Toutefois, depuis la loi n°2021-1104, “La commande publique participe à l’atteinte des objectifs de développement durable, dans leurs dimensions économique, sociale et environnementale, dans les conditions définies par le présent code” (Art. L3-1 CCP).
Ce texte vient fonder juridiquement ce qui était pratiqué avant: l’achat de produits locaux peut être favorisé par des clauses portant sur des conditions environnementales ou sociales.
Ces “conditions” sont précisées dans quelques dispositions du CCP. Elles concernent différents éléments clefs de la procédure prévue par le CCP: la définition du besoin préalable (1) et du contenu du marché (2), l’organisation des achats (3), l’attribution du marché (4).
Ne seront présentées ici que les règles générales.
- Pour aller plus loin : le Plan national pour des achats durables (PNAD) 2022-2025 a pour objectif d’accompagner le déploiement des avancées de la loi Climat et résilience en donnant des outils aux acheteurs comme par exemple “La Réf” un outil d’autodiagnostic réglementaire sur les achats publics durables [https://www.economie.gouv.fr/cedef/achats-publics-durables].
- Pour aller plus loin : Guide pratique pour un approvisionnement durable et de qualité, Conseil National de la Restauration Collective, janvier 2024 et liste des outils et guides pour accompagner les acteurs de la restauration collective [https://agriculture.gouv.fr/marches-publics-pour-la-restauration-collective-deux-guides-pratiques-pour-un-approvisionnement]. Le guide comprend notamment des exemples de rédaction de clauses.
Plan de la fiche
- Définition du besoin préalable
- Définition du contenu du marché
- Organisation des achats
- Attribution du marché
1. Définition du besoin préalable
La définition préalable des besoins est une étape essentielle dans l’élaboration d’un marché.
Lors de la définition des besoins, l’acheteur prend en compte les objectifs de développement durable (Art. L. 2111-1 CCP); ce qui peut conduire les CT à intégrer dans la définition préalable des besoins, des critères environnementaux liés à la saisonnalité, à la qualité organoleptique et nutritive des denrées, à des délais rapides de livraison. Une référence aux denrées alimentaires de qualité prévue par loi EGalim (Art. L. 230-5-1 du c. rur.), avec une référence éventuelle à des labels, peut ici être envisagée.
Le droit est plus précis dans certains cas:
Lorsque le montant total annuel des achats est supérieur à 50 millions d’euros HT, les CT doivent adopter un schéma de promotion des achats publics socialement et écologiquement responsables (Art. L2111-3 CCP tel qu’il résulte de la Loi n°2021-1104 et Art. D. 2111-3 CCP résultant du Décret n°2022-767) qui “détermine les objectifs de politique d’achat de biens et de services comportant des éléments à caractère social visant à concourir à l’intégration sociale et professionnelle de travailleurs handicapés ou défavorisés et des éléments à caractère écologique visant notamment à réduire les émissions de gaz à effet de serre et la consommation d’énergie, d’eau et de matériaux ainsi que les modalités de mise en œuvre et de suivi annuel de ces objectifs. Ce schéma contribue également à la promotion de la durabilité des produits, de la sobriété numérique et d’une économie circulaire.”
Les CT dont le montant total annuel des achats est inférieur à 50 millions d’euros HT peuvent se réunir et adopter un schéma comprenant les mêmes éléments (références susmentionnées).
2. Définition du contenu du marché
Des considérations relatives à l’environnement, au domaine social, à l’emploi ou à la lutte contre les discriminations peuvent également être intégrées dans les conditions d’exécution des prestations (Art. L. 2112-2 CCP tel qu’il résulte de la Loi n°2021-1104). L’ensemble du cycle de vie des fournitures ou services objet du marché peuvent être concernées (Art. L. 2112-3 CCP). Ces dispositions sont favorables à des clauses sur l’empreinte carbone de l’approvisionnement dont le corollaire serait, sous certaines conditions d’optimisation logistique, la réduction des déplacements des véhicules de livraison pour réduire les émissions de gaz à effets de serre.
D’autres conditions pourraient également utilement être mentionnées comme la possibilité pour les fournisseurs de réaliser des animations dans les restaurants ou à l’inverse pour les convives des restaurants de venir visiter les lieux de productions, d’utiliser certains types d’emballage (par ex., les cagettes sont plutôt privilégiées en circuits courts), etc. Toutes ces conditions sont à manier avec précaution car elles doivent être justifiées vis-à-vis de l’objet du marché.
3. Organisation des achats
Les CT peuvent constituer des groupements de commandes, ce qui permet par exemple à deux ou plusieurs acheteurs publics et privés (dans certains cas) de mener un projet commun (Art. L. 2113-6, Art. L. 2113-7, Art. L2113-8 du CCP).
Une fois les besoins définis, les CT doivent allotir (Art. L. 2113-10 et -11 du CCP) finement leur marché afin d’augmenter la possibilité pour les petits exploitants agricoles de répondre aux appels d’offres. Cette stratégie d’allotissement « fin » des marchés peut être conjuguée avec un travail d’identification des producteurs-fournisseurs locaux. Dans le cadre de leur obligation réglementaire de diffusion de l’information via les canaux officiels (Art. R. 2131-1 du CCP), les CT peuvent notamment s’assurer de la bonne diffusion des appels d’offre auprès des exploitants et aller également à leur rencontre pour mieux évaluer les capacités locales d’approvisionnement.
4. Attribution du marché
Version actualisée le 1/11/2024
Les critères sociaux et environnementaux intégrés dans la définitions des besoins et le contenu du marché peuvent être déterminants dans l’attribution du marché (Art. L. 2152-7 CCP).
Ainsi, pour attribuer le marché au(x) soumissionnaire(s) qui ont présenté l’offre économiquement la plus avantageuse, l’acheteur peut se fonder “sur une pluralité de critères non-discriminatoires et liés à l’objet du marché ou à ses conditions d’exécution, parmi lesquels figure le critère du prix ou du coût et un ou plusieurs autres critères comprenant des aspects qualitatifs, environnementaux ou sociaux. Il peut notamment s’agir des critères suivants: l’accessibilité, la diversité, les conditions de production et de commercialisation, la garantie de la rémunération équitable des producteurs, les performances en matière de protection de l’environnement, de développement des approvisionnements directs de produits de l’agriculture, d’insertion professionnelle des publics en difficulté, la biodiversité, le bien-être animal” (Art. R2152-7 CCP).
A souligner : A compter du 22 août 2026, cette disposition imposera la prise en considération des “caractéristiques environnementales de l’offre”.
- Commande publique pour la restauration collective