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Dispositifs juridiques

Version actualisée le 1/11/2024

 

Plan de la fiche

  1. Principes
  2. Transferts de compétences et coopération entre CT
  3. Clause générale de compétence des communes

 

1. Principes

Les collectivités territoriales (CT) sont chargées d’administrer les affaires de leur territoire (Art. 72 al. 3 de la Constitution et art. L. 1111-1 du CGCT).

Elles agissent sur la base des compétences attribuées par la loi ou par convention (Art. 34 de la Constitution et art. L. 1111-2 du CGCT).

Elles agissent dans la limite des compétences attribuées à l’Etat, aux autres collectivités et établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) (Art. L 1111-4 du CGCT).

Elles doivent justifier leurs actions par un intérêt public local. Cet intérêt n’est présumé que lorsque la compétence est attribuée par la loi ; dans les autres cas, il doit être démontré.

Elles ne peuvent pas mettre en œuvre leurs compétences générales ou spéciales si l’Etat détient une compétence spéciale.

 

2. Transferts de compétences et coopération entre CT

Une CT peut conclure une convention avec une autre CT afin de se voir déléguer tout ou partie d’une compétence. Cette faculté peut être prévue par la loi ou résulter d’un accord de volonté entre deux collectivités (Art L. 1111-8 CGCT).

Des CT peuvent aussi transférer une partie de leurs compétences légales à un ou plusieurs organismes publics de coopération (Art. L. 5111-1 CGCT et suivants). C’est notamment le cas des communes qui transfèrent leurs compétences vers un EPCI dont elles sont membres (Art. L. 5210-1 CGCT et suivants).

Ce transfert peut être obligatoire, optionnel ou facultatif :

  • Les compétences obligatoires sont celles mentionnées dans les textes, généralement sous forme de listes. Certaines compétences obligatoires des communes ne peuvent pas être transférées (Art.s L. 2321-1 et 2 CGCT).
  • Les compétences optionnelles, également listées par le législateur, doivent faire l’objet d’un accord entre les communes.
  • Les compétences facultatives sont celles dont le transfert n’est pas prévu par la loi ou par la décision qui institue l’EPCI. Selon les juges administratifs, le choix des compétences transférées ne peut se faire de manière opportune : il doit répondre au projet commun de développement et d’aménagement de l’espace établi au préalable.
  • A souligner : les EPCI doivent être rattachés à une personne publique. Ils sont spécialisés au sens où ils ne peuvent agir que dans les limites territoriales des collectivités qui en sont membres et des compétences qui leurs ont été dévolues. Une fois qu’une collectivité a transféré une de ses compétences à un EPCI, ce dernier est exclusivement compétent pour agir en la matière.

 

3. Clause générale de compétence des communes

Les CT doivent prendre en charge les intérêts généraux de leurs administrés. Ce principe est appelé « clause générale de compétence ».

Initialement reconnue à toutes les CT, cette clause générale de compétence ne vaut désormais que pour les communes (Art L. 2121-29 CGCT).

 

Pour agir sur la base de cette clause générale de compétence, la commune :

  • ne doit pas intervenir sur une compétence attribuée par la loi à une autre personne publique (compétence spéciale accordée à un ministère par ex.).
  • Dès lors qu’a été institué un pouvoir de police spécial au bénéfice de l’Etat en raison de la crise sanitaire (loi du 23 mars 2020), le maire ne peut prendre aucune mesure destinée à lutter contre la catastrophe sanitaire au titre de son pouvoir de police générale « à moins que des raisons impérieuses liées à des circonstances locales en rendent l’édiction indispensable et à condition de ne pas compromettre, ce faisant, la cohérence et l’efficacité de celles prises dans ce but par les autorités compétentes de l’Etat ». Hors de cette dérogation rarement admise, il ne peut prendre que des dispositions destinées à contribuer à la bonne application, sur le territoire de la commune, des mesures décidées par les autorités compétentes de l’Etat. Ainsi, ne pouvant justifier de spécificités locales et l’Etat ayant décidé de ne pas exiger le port de masques, le maire de Sceaux ne pouvait subordonner « les déplacements dans l’espace public de la commune des personnes âgées de plus de soixante-dix ans au port d’un dispositif de protection buccal et nasal » (CE, 17 avril 2020, Commune de Sceaux).
  • doit justifier d’un intérêt public local.
  • Cette notion est difficile à circonscrire et donc à mettre en œuvre. L’intérêt public local doit correspondre à un besoin de la population ou être bénéfique à la population située sur la circonscription territoriale de la commune. Il naît souvent d’une insuffisance ou d’une défaillance de l’initiative privée, la commune agissant alors pour compenser l’absence de service.

 

La mise en œuvre de cette clause générale de compétence a été reconnue par le juge à condition qu’elle ne remette pas en cause le principe de liberté du commerce et de l’industrie, ainsi que le jeu de la libre concurrence.

Sur cette base, un certain nombre d’actions ont été́ menées dans le domaine de l’alimentation :

  • Une commune avait institué ​ un service municipal de ravitaillement en denrées alimentaires dans le but d’enrayer l’augmentation du coût de la vie. Suite à l’action des commerçants de la ville, le Conseil d’Etat (CE) a estimé qu’en raison de circonstances particulières de temps et de lieu, un intérêt public justifi[ait] une intervention » (CE, 30 mai 1930, n°6781, Chambre syndicale du commerce en détail de Nevers).
  • Une commune a pu légalement installer une boucherie municipale destinée à faire baisser les prix des denrées du fait de l’insuffisance et de la défaillance de l’initiative privée (CE, 24 novembre 1933, n° 21871, Zénard).
  • Une commune a pu légalement créer un bar-restaurant du fait que l’unique café de la ville était en mauvais état d’entretien et que son fonctionnement était interrompu (CE, 25 juillet 1986, n° 56334, Commune de Mercœur).
  • A souligner : dans le domaine alimentaire, les exemples recensés sont donc à ce jour limités et restreints à des situations de carences.

Toutefois, les juges administratifs pourraient accueillir un nouveau motif fondé sur le “caractère d’utilité sociale” de l’intervention de la commune. Pour le moment, seul le Tribunal Administratif (TA) de Poitiers a utilisé cet argument, qui n’est donc ni validé par d’autres TA, ni par le Conseil d’Etat (TA Poitiers 25 mars 2024, n° 2203057, société coopérative d’intérêt collectif « Ceinture Verte Grand Poitiers »).
Dans ce jugement, le TA de Poitiers reconnaît la possibilité pour une commune d’adhérer à une société coopérative d’intérêt collectif (SCIC) visant la structuration de filières locales. Le litige opposait le préfet à la commune de Poitiers autour de l’adhésion de cette dernière à la (SCIC) « Ceinture Verte Grand Poitiers », visant à développer une filière agricole locale. Alors que, pour motiver l’annulation de l’adhésion, la préfecture invoquait notamment l’absence de compétence de la commune en matière de développement économique (compétence dévolue à la communauté urbaine), les juges ont considéré que la SCIC s’inscrivait  « dans le cadre d’un projet plus global, n’ayant pas qu’un caractère économique, mais également un caractère d’utilité sociale, tenant en l’espèce à favoriser une offre de produits bios et locaux en circuit court, au bénéfice notamment de la restauration collective locale ». Le tribunal relève également que l’adhésion à la SCIC litigieuse faciliterait pour la commune le respect des prescriptions de la  Loi ÉGalim, soit 50% de produits « durables » dans la restauration scolaire.  Par conséquent, la commune était bien compétente pour décider d’y adhérer .

 

A souligner : Une loi organique du 19 avril 2021 relative à la simplification des expérimentations mises en oeuvre sur le fondement du quatrième alinéa de l’article 72 de la Constitution, est venue assouplir le cadre des expérimentations locales (issu de la révision constitutionnelle de 2003) et permettre ainsi aux collectivités territoriales de déroger aux règles concernant l’exercice des compétences locales. La loi organique consacre le droit à la différenciation territoriale. Les collectivités locales vont pouvoir appliquer, dans un cadre expérimental puis, dans certaines conditions, de façon pérenne, des règles relatives à l’exercice de leurs compétences différentes pour tenir compte de leurs spécificités. Des guichets installés dans les préfectures permettent désormais de recueillir les propositions des collectivités pour les accompagner dans leurs démarches d’expérimentation. Précisons toutefois que la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale est venue préciser et en quelque sorte encadrer le principe de différenciation territoriale et l’usage des expérimentations locales dans des champs relativement étroits comme par exemple, pour fixer la composition du conseil d’administration d’un centre communal d’action sociale, ou encore pour expérimenter des dispositifs visant à lutter contre le non-recours aux droits sociaux. Dans le domaine alimentaire, la question suivante se pose alors: en l’absence d’une compétence alimentaire attribuée aux collectivités, ces expérimentations pourraient-elles être utilisées pour agir sur ce volet? Une proposition de loi n°386 d’expérimentation vers l’instauration d’une sécurité sociale de l’alimentation, déposée le mardi 15 octobre 2024, préconise, à titre d’expérimentation pour une période de cinq ans, la mise en place et le financement de caisses alimentaires locales (communes, intercommunalités…) adoptant un fonctionnement préfigurant ce que pourrait être celui d’une sécurité sociale de l’alimentation. 

 

  • Pour aller plus loin : Faure B., La fin d’une catégorie juridique : la collectivité territoriale ? AJDA, 2016 p.2438

 

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