Fiche 5 : Comment promouvoir l’agriculture locale en agissant sur les formations professionnelles et agricoles ?
Dispositifs juridiques
Version actualisée le 1/11/2024
L’éducation et la formation professionnelle et agricole constituent des clefs pour qu’évoluent durablement les pratiques en faveur d’une alimentation de qualité plus localisée. Elles touchent non seulement les consommateurs (écoliers, étudiants, professionnels), mais aussi tous les corps de métier qui interviennent dans le domaine de l’alimentation locale, des (futurs et actuels) agriculteurs aux (futurs et actuels) cuisiniers par exemple.
Dans l’ensemble, ce domaine ressort de la compétence de l’Etat et des régions, mais les autres collectivités locales peuvent aussi avoir un rôle à jouer.
Plan de la fiche
- Cadre général: le code de l’éducation
- Règles spécifiques pour la formation tout au long de la vie (agricole ou non)
- Règles spécifiques pour l’enseignement agricole
1. Cadre général (Etat et Régions)
L’éducation est un domaine à compétence partagée : « L’éducation est un service public national, dont l’organisation et le fonctionnement sont assurés par l’Etat, sous réserve des compétences attribuées aux collectivités territoriales pour les associer au développement de ce service public » (Art. L. 211-1 c. éduc.).
- Si la programmation pédagogique relève de l’Etat : « chaque année, les autorités compétentes de l’Etat arrêtent la structure pédagogique générale des établissements d’enseignement du second degré (collèges puis dans les lycées généraux technologiques ou professionnels) (Art. L. 211-2 c. éduc.), elle tient compte du schéma prévisionnel des formations et de la carte des formations professionnelles initiales qui relèvent, eux, des régions :
- Compte tenu des orientations nationales et après accord des conseils départementaux pour les établissements relevant de leur compétence, le conseil régional adopte et transmet au représentant de l’Etat dans la région le schéma prévisionnel des formations des collèges, des lycées et des établissements d’éducation spéciale, des lycées professionnels maritimes et des établissements d’enseignement agricole (Art. L. 214-1 c. éduc).
- La région arrête la carte régionale des formations professionnelles initiales hors apprentissage (Art. L. 214-13-1 c. éduc.)
- A souligner : Rappelons également que l’Etat est en charge du programme national pour l’alimentation (PNA) qui propose des catégories d’actions dans les domaines de l’éducation pour promouvoir l’équilibre et la diversité alimentaires, les produits locaux et de saison ainsi que la qualité nutritionnelle et organoleptique de l’offre alimentaire, dans le respect des orientations du programme national relatif à la nutrition et à la santé défini à l’article L. 3231-1 du code de la santé publique (Art. L. 1 c. rur.) Les collectivités devraient à leur tour mettre en œuvre ces orientations nationales dans leurs actions éducatives.
Toutefois, l’Etat est seul en charge de l’enseignement public aux métiers de l’agriculture, de la forêt, de la nature et des territoires agricoles :
- Le Ministère de l’agriculture et le Ministère chargé de l’éducation nationale fixent, seuls ou ensemble, les programmes et référentiels nationaux en ce domaine (Art. L. 810-2 et L. 811-2 c. rur.).
2. Formation tout au long de la vie (Etat et Régions)
Le service public de l’orientation tout au long de la vie (Art. L. 6111-1 c. trav.) est assurée par l’Etat et les régions. L’Etat définit, au niveau national, la politique d’orientation quand la région organise des actions d’information sur les métiers et les formations aux niveaux régional, national et européen (Art. L.6111-3 c. trav. et L. 214-12 c. éduc.).
- La région élabore le contrat de plan régional de développement des formations et de l’orientation professionnelles (Art. L. 214-12 c. éduc.). Ce contrat détermine les conditions dans lesquelles l’Etat et la région coordonnent l’exercice de leurs compétences respectives dans la région. Il analyse les besoins à moyen terme du territoire régional en matière d’emplois, de compétences et de qualifications et la programmation des actions de formation professionnelle des jeunes et des adultes, compte tenu de la situation et des objectifs de développement économique du territoire régional » (Art. L. 214-13 c. éduc.).
- La région arrête la carte régionale des formations professionnelles initiales hors apprentissage (Art. L. 214-13-1 c. éduc.)
- La région gère le fonds régional de la formation professionnelle continue créé dans chaque région (Art. L. 4332-1 CGCT et L. 214-15 c. éduc.)
La formation professionnelle publique aux métiers de l’agriculture, de la forêt, de la nature et des territoires agricoles ressort de la compétence de l’Etat, en la personne du ministère de l’agriculture (DGER) qui fixe les programmes et référentiels nationaux (Art. L. 810-2 et L.811-2 c. rur.).
- La formation professionnelle agricole comprend des objectifs compatibles avec les enjeux d’une alimentation locale : conformément aux objectifs de politique agricole et de l’alimentation (Art. L. 1 c. rur.), la formation professionnelle publique aux métiers de l’agriculture contribue à l’éducation au développement durable, à la promotion de la santé et à la mise en œuvre de leurs principes, ainsi qu’à la promotion de la diversité des systèmes de production agricole (Art. L810-1 c. rur.).
- Les chefs d’exploitation (Art. L. 718-2-1 c. rur.) et les salariés (Art. L. 718-2 c. rur. et Article L. 6111-1 c. trav.) agricoles bénéficient d’un droit à la formation professionnelle qui leur permet de bénéficier de divers financements pour profiter des formations organisées notamment par des Centres de formation professionnelle et de promotion agricole (Art. L. 718-2-2 c. rur.), des centres de formation privés (Art. L. 718-2-2 c. rural) et les Chambres d’agriculture :
- Financement de stages et de formations en alternance par l’Etat, les régions et les organisations professionnelles (Art. L. 718-2-2 c. rur.) :
- Avec l’Etat, les régions contribuent, en liaison avec les organisations professionnelles, au financement des stages organisés en vue d’assurer la formation des exploitants, salariés des exploitations, aides familiaux, salariés et non-salariés des secteurs para-agricole et agroalimentaire, dans des centres de formation publics ou privés. Les modalités de mise en œuvre de ces actions peuvent faire l’objet d’accords-cadres conclus entre l’Etat ou une ou plusieurs régions, et une ou plusieurs organisations professionnelles ou chambres d’agriculture. (Art. L718-2-2 c. rur.).
- Pour aller plus loin : les salariés agricoles peuvent aussi bénéficier du Fond national d’assurance formation (des salariés des exploitations et entreprises agricoles) (Art. L. 718-2-2 c. rur.) (ex. FAFSEA désormais géré par l’OCAPIAT : opérateur de compétences pour la coopération agricole, l’agriculture, la pêche, l’industrie agro-alimentaire et les territoires) ; les exploitants agricoles peuvent aussi bénéficier du Fonds de formation des non-salariés agricoles (Art. L. 718-2-3 c. rur.) constitué les contributions formation des entreprises collectées par la mutualité sociale agricole (MSA).
3. L’enseignement agricole (Etat, Régions, Départements, Communes)
L’enseignement agricole comprend des objectifs compatibles avec les enjeux d’une alimentation locale que chaque établissement doit intégrer dans son projet d’établissement (Art. L. 811-5, L. 811-8 c. rur.) :
- Conformément aux objectifs de politique agricole et de l’alimentation (Art. L. 1 c. rur.), l’enseignement public aux métiers de l’agriculture contribue à l’éducation au développement durable, à la promotion de la santé et à la mise en œuvre de leurs principes, ainsi qu’à la promotion de la diversité des systèmes de production agricole (Art. L. 810-1 c. rur.).
- De même, l’enseignement supérieur agricole public dispense des formations en matière de qualité et de sécurité de l’alimentation et contribue à l’éducation à l’environnement et au développement durable et à la mise en œuvre de ses principes (Art. L. 812-1 c. rur.).
L’enseignement public aux métiers de l’agriculture, de la forêt, de la nature et des territoires agricole ressort de la compétence de l’Etat, en la personne du ministère de l’agriculture (DGER) et du ministère chargé de l’éducation nationale, qui fixent, seuls ou ensemble, les programmes et référentiels nationaux (Art. L. 810-2 et L. 811-2 c. rur.), tels : les orientations des politiques publiques pour l’agriculture (Art. L. 811-2 c. rur. rt. L. 1 c. rur.) ; le projet stratégique national pour l’enseignement agricole (Art. L. 814-2 c. rur.) ; le schéma prévisionnel national des formations de l’enseignement agricole (Art. L. 814-2 c. rur.). Ces documents peuvent promouvoir l’éducation à l’alimentation locale :
- L’Arrêté du 6 août 2020 portant approbation du projet stratégique national pour l’enseignement agricole et du schéma prévisionnel national des formations de l’enseignement agricole applicables pour les années 2016 à 2020 propose de nouvelles priorités qui peuvent comprendre une dimension d’éducation à l’alimentation et de développement d’entreprises dédiées à l’alimentation locale : « Enseigner à produire autrement pour les transitions et l’agro-écologie » ; « préparer aux nouvelles compétences et aux métiers en évolution ». L’idée de ce projet stratégique est notamment de former à une certaine éthique du métier pour développer des modes de consommation, de production et de transformation plus vertueux
- La priorité « « Enseigner à produire autrement pour les transitions et l’agro-écologie » a fait l’objet de précisions dans la Circulaire DGER/SDRICI/2020-68 30/01/2020 qui prolonge le plan « Enseigner à produire autrement » 2014-2018 (EPA) et vise à promouvoir l’agro-écologie dans tous les établissements d’enseignement agricole, techniques et supérieurs, publics ou privés. Le nouveau plan de 2020 (EPA 2) est construit autour de 4 axes : Encourager la parole et l’initiative des apprenants sur les questions des transitions et de l’agro-écologie ; Mobiliser la communauté éducative pour enseigner l’agro-écologie et poursuivre les transitions ; Amplifier la mobilisation des exploitations agricoles et ateliers technologiques comme support d’apprentissage, de démonstration et d’expérimentation ; Développer l’animation dans les territoires et l’essaimage des pratiques innovantes. Chaque établissement d’enseignement agricole devait donc se doter d’ici la fin de l’année 2021 d’un plan d’action local EPA2. En 2021, une instruction de la Direction de l’enseignement et de la recherche (DGER/SDRICI/2021-286 du 19 avril 2021) a modifié certains indicateurs de suivi des plans locaux EPA 2. Au titre des nouveaux critères: d’ici 2025, 100% des établissements disposant d’une ou plusieurs exploitations, ont au moins un de leurs ateliers en agriculture biologique. A la même date, 30% de la SAU de l’enseignement agricole est certifiée AB.
Les CT, au premier rang desquelles les régions, ont aussi quelques moyens d’action :
- Les CT interviennent dans l’orientation : compte tenu des orientations nationales et après accord des conseils départementaux pour les établissements relevant de leur compétence, le conseil régional adopte et transmet au représentant de l’Etat dans la région le schéma prévisionnel des formations des établissements d’enseignement agricole (Art. L. 214-1 c. éduc).
- L’enseignement et la formation professionnelle publics aux métiers de l’agriculture, de la forêt, de la nature et des territoires peut s’étendre de la classe de quatrième du collège à l’enseignement supérieur inclus, ce qui implique directement les Départements et les Régions (Art. L.811-2 c. rur.).
- Les établissements publics locaux d’enseignement agricole sont administrés par un conseil d’administration qui comprend pour un tiers, des représentants de l’Etat, de la région, du département, de la commune et des établissements publics intéressés à la formation et à la recherche agricole (Art. L.811-9 c. rur.).
- A souligner : Le Projet de Loi d’orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale le 3 avril 2024, qui doit être discuté début 2025 au Sénat prévoit un certain nombre d’aménagements au titre des dispositifs d’orientation et de formation aux métiers agricoles. En l’état actuel, le texte qui définit les priorités d’action publique en matière d’orientation, de formation, de recherche et d’innovation, prévoit que L’État, les régions et les autres collectivités locales volontaires devront établir un programme national d’orientation et de découverte des métiers agricoles et des autres métiers du vivant (Titre 2, Chapitre 1, art. 2 – III du projet de Loi). Ce programme devrait comporter pour tous les écoliers des actions de découverte de l’agriculture et de sensibilisation à la souveraineté alimentaire et la transition agroécologique. Il visera également à offrir des stages de découverte des métiers du vivant aux élèves de collège. L’État et les régions devront un programme national triennal de formation accélérée destiné aux 50 000 professionnels de l’enseignement, de la formation, du conseil et de l’administration qui accompagnent les agriculteurs et futurs agriculteurs. Un dispositif intitulé « contrat territorial de consolidation ou de création de formation » pour l’enseignement agricole doit être institué avec l’ambition de répondre dans les régions aux besoins de renouvellement des générations d’agriculteurs et des professionnels de l’agroalimentaire en augmentant le nombre de jeunes formés (Titre 2, Chapitre 1, art. 4 du projet de Loi). Le projet de Loi prévoit enfin l’instauration d’un “diplôme national de premier cycle en sciences et techniques de l’agronomie, reconnu comme une licence en sciences et techniques de l’agronomie du système licence-master-doctorat, et ayant un objectif d’insertion professionnelle dans les métiers de l’agriculture et de l’agroalimentaire, avec une adaptation particulière aux enjeux de la transition écologique et de la décarbonation des pratiques agricoles” (Art. 5 para. 5 du projet de Loi).
- Formations professionnelles et agricoles